Les M.A.R.C., de quoi parle t’on?

8 mars 2016 - 17 minutes read

Depuis le début de notre civilisation, l’homme a cherché des moyens pour régler ses conflits qui pouvaient parfois être destructeurs.

A la décision autoritaire d’un Chef ou d’un Roi, s’est progressivement substituée la mise en place de règles, codifiées dans des Lois, et mises en œuvres par le pouvoir judiciaire.

Aux côtés des modes « classiques » de résolution des conflits, que sont les tribunaux, ont par la suite émergé des Modes Alternatifs de Résolution des Conflits (les fameux MARC).

En effet, le procès n’est pas nécessairement la solution la plus adaptée au conflit qui oppose les parties. Dans certains cas, comme en droit du travail, la Médiation peut s’avérer être une solution plus judicieuse, notamment lorsque le conflit comporte une dimension relationnelle et que la solution du litige dépend, pour partie, de l’appréciation des faits.

Que regroupe ces Modes altenatifs… ?

Les Modes alternatifs regroupent des processus aux techniques et finalités différentes.

  • La négociation :  Souvent utilisée lors d’une procédure de départ, la négociation est une discussion informelle où les parties tentent de rapprocher leurs positions tout en préservant leurs intérêts. La négociation peut être « frontale », lorsqu’elle utilise la technique du rapport de force, ou elle peut être raisonnée, lorsque qu’elle utilise les techniques de la « négociation raisonnée » issue des travaux d’Harvard (1).
  • La conciliation : Obligatoire dans certaine procédure judiciaire (contentieux prud’homaux, procédures de divorce), la conciliation consiste à confronter les parties pour les amener, avec l’aide d’un tiers, à trouver une issue, souvent pécuniaire, à leurs différents. Contrairement à la médiation, la conciliation porte essentiellement sur le résultat, sans nécessairement s’intéresser à la relation.
  • Le droit collaboratif : Le droit collaboratif est un processus amiable de résolution des conflits qui utilise les techniques de la Médiation pour amener les parties à négocier un accord. Contrairement à la Médiation, la discussion est menée sans la présence d’un Médiateur, mais avec la présence des avocats des parties, nécessairement formés au Droit Collaboratif. Ce processus, en forte croissance, permet de trouver en commun une solution acceptée, pérenne et juridique à un litige, tout en préservant la relation. Les échanges sont confidentiels, et les avocats présents sont tenus de se déporter si une suite judiciaire devait être donnée au litige.
  • L’arbitrage : L’arbitrage consiste à confier à une justice privée le soin de trancher un litige. Cette procédure, plus rapide et entièrement confidentielle, permet de rendre une décision qui aura autorité de la chose jugée et pourra être soumise à la procédure « d’exequatur » devant le tribunal de Grande instance pour acquérir la force exécutoire.

L’arbitrage, procédure payante et parfois couteuse, peut être mis en place par accord des parties, via une Convention d’arbitrage. Dans certains cas, les parties avaient envisagé l’arbitrage dés la rédaction du contrat, par l’insertion d’une clause « compromissoire ».

  • La médiation : La médiation est un processus de résolution amiable au cours duquel, les parties, aidées par un tiers, le Médiateur, vont tenter de solutionner le litige qui les oppose.  La médiation peut être conventionnelle, lorsque les parties décident volontairement d’y recourir, ou judiciaire lorsqu’elle est proposée par un juge.

L’ordonnance du 16 novembre 2011 définie ainsi la médiation :

«  La médiation s’entend de tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige. »

Quels avantages présentent les Modes alternatifs par rapport au procès ?

La décision de justice, même si elle présente l’avantage de trancher un litige, s’accompagne d’un certain nombre d’inconvenients, y compris en matière prud’homale.

  • L’aléa juridique fait intégralement partie du litige, les parties n’ont donc aucune certitude sur l’issue d’un procès. Ceci est d’autant plus vrai en matière prud’homale où la décision du juge dépend en grande partie de l’appréciation des faits, pour lesquels la preuve n’est pas toujours évidente.
  • Un procès occasionne des frais de procédure et des frais d’avocats, pas toujours évidents à évaluer, et parfois importants. De plus, les nombreuses voix de recours ouvertes aux parties peuvent considérablement alourdir la note.
  • Les délais, difficiles à estimer, peuvent parfois aller jusqu’à trois ans en matière prud’homale (Section encadrement des prud’hommes de Nanterre).
  • La décision de justice n’est là que pour régler le litige « en droit », pas le conflit personnel. En droit du travail, le conflit est souvent interpersonnel et relationnel, et résulte souvent de l’opposition de besoins essentiels non satisfaits. Cette appréhension partielle du litige par le Juge sera souvent perçue par les parties comme un manque d’équité de la justice. Mais la Justice n’est là que pour appliquer le droit, pas nécessairement pour régler un litige dans l’ensemble de ses dimensions, juridiques, techniques, relationnelles et affectives…
  • Le jugement, de part la publicité qu’il occasionne, peut nuire grandement à l’image des parties, voir les contraindre à divulguer des informations confidentielles.

Le recours judiciaire, qui est actuellement le mode de résolution des litiges privilégié, présente de nombreux inconvénients, et n’est donc pas nécessairement le mode le plus approprié.

Quels intérêts présente de la Médiation pour solutionner un litige ?

La médiation présente l’avantage indéniable de responsabiliser les parties dans le conflit qui les oppose, et de leur permettre ainsi de s’approprier la résolution de leur litige.

La médiation, qui se déroule sur une période beaucoup plus courte (entre 3 et 6 mois), est également beaucoup moins couteuse que ne le serait un recours judiciaire.

Le processus de médiation aborde tous les aspects du litige qui oppose les parties et permet de préserver la relation, quelle soit professionnelle ou personnelle.

La Médiation est donc un mode de résolution des litiges parfaitement adapté aux conflits issus du monde du travail, car elle permet aux parties, en toute confidentialité, d’échanger sur le litige qui les oppose, de trouver ensemble une solution pérenne, tout en préservant la relation, indispensable pour continuer à travailler ensemble.

La Médiation, de part les techniques utilisées et la participation active des parties concernées, permet également d’appréhender tous les aspects d’un litige et de tenir compte de la dimension affective du conflit.

Comment fonctionne le processus de Médiation ?

La médiation, qui est basé sur la volonté des parties d’y recourir, ne peut porter que sur les droits dont les parties ont la libre disposition.

Le processus se déroule au travers d’un ou plusieurs entretiens, dans un temps limité, et en présence d’un tiers formé à la médiation : le médiateur.

Le médiateur, de part sa formation, est garant du cadre et de la confidentialité des échanges. Sa neutralité, et l’utilisation de techniques de communication, vont lui permettre d’amener les parties à s’exprimer, restaurer ainsi le dialogue, et imaginer ensemble la solution à leurs conflits.

A la différence du Juge, le Médiateur va s’intéresser également au ressenti des personnes, à leur « perception » propre du litige. En effet, un conflit ne relève souvent pas que du droit, mais implique également le système de croyances et les valeurs de l’individu.

La médiation obéit à un processus, dont le médiateur est le gardien.

Ce processus peut se découper en 4 phases essentielles :

  • Le Quoi ? Quel est le litige qui oppose les parties. Chacune des parties est invitée à s’exprimer sur « sa » version des faits.
  • Le pourquoi ? Le médiateur va rechercher les raisons pour lesquelles les parties sont arrivées à une situation de blocage. Par toute une série de techniques de communication (communication non violente, écoute active, reformulation…), le médiateur amène les parties à exprimer leurs « intérêts sous-jacents », leurs besoins, leurs ressentis et leurs émotions…Le médiateur va notamment s’intéresser à l’interprétation des faits, au vécu des parties, pour qu’elles puissent, à leur tour, comprendre le vécu et le ressenti de l’autre partie.
  • Le Comment ? Le Médiateur va par la suite guider les parties vers l’avenir…en les incitant à trouver ensemble des solutions. Cette partie, souvent appelé le « remue-méninges » a pour objectif d’exprimer toutes les solutions envisageables pour répondre aux intérêts réciproques des parties tout en mettant fin au litige. La créativité et l’innovation sont les prérequis de cette phase de la médiation.
  • Le Comment finalement ? Cette phase est la mise en musique « concrète » des solutions imaginées par les parties, éventuellement aidées de leurs conseils. L’ accord peut prendre différentes formes, soit un simple constat d’accord sans formalisme particulier, soit un protocole d’accord transactionnel rédigé sous l’égide des l’articles 2044 et s. du Code Civil. Dans certains cas, l’homologation du Juge s’avère utile pour donner à l’accord la force exécutoire.

La médiation est elle pertinente en entreprise ?

La médiation est un bel outil de politique managériale permettant de maitriser les conflits « relationnels » existants nécessairement en entreprise.

De nombreuses difficultés liées à la souffrance au travail, sources de coûts importants pour les entreprises, peuvent trouver rapidement une solution dans le cadre de la médiation.

La médiation, qu’elle soit utilisée de façon préventive ou curative, trouve donc légitimement sa place dans de nombreuses politiques de Ressources Humaines.

La médiation en entreprise, et notamment dans les relations de travail, est un mode pertinent de résolution des litiges pour différentes raisons :

  • La médiation, de part les techniques de communication qu’elle utilise, est un processus « apprenant ». Cette méthode de résolution des litiges, en formant les salariés et les managers aux techniques de communication et de négociation raisonnée, leurs permet de gérer eux-mêmes les difficultés relationnelles rencontrées, et préserver ainsi « l’écologie » de la relation professionnelle.
  • La médiation préserve la relation professionnelle, élément indispensable dans le cadre d’une relation de travail, quelle soit hiérarchique ou transverse.
  • La médiation est bien adaptée en matière de harcèlement moral dans la mesure où ces litiges comportent en général une grande part d’affectif et de ressenti, ce qu’un jugement n’est pas à même de réparer, quelque soit la condamnation. L’article L 1152-1 du Code du Travail codifie par ailleurs le recours à la médiation en matière de harcèlement moral.
  • La médiation peut également être utilisée par les DRH comme outil de prévention des Risques Psycho-sociaux. L’employeur est en effet contraint à une obligation de résultat en matière de sécurité et de protection de la santé physique et mentale des salaries (L 4121-1 du Code du Travail).

Au niveau Européen, comme au niveau Français, de plus de plus de dispositions législatives tendent à favoriser le recours à des Modes Amiables de Résolution des Conflits.

Par exemple, le DÉCRET n°2015-282 du 11 mars 2015 prévoit qu’à peine de nullité, l’assignation en justice doit mentionner les démarches de résolution amiable précédemment effectuées.

Art 56 CPC « Sauf justification d’un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu’elle intéresse l’ordre public, l’assignation précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. ».

La pertinence de ces outils et la volonté des gouvernements Européennes, devraient permette un essor prochain des MARC dans de nombreux litiges, qu’ils soient professionnels ou personnels.

(1) (Comment réussir une négociation,  », Wiliam. URY, Roger. FISHER, Edition du SEUIL).