Qu’est-ce que l’insuffisance professionnelle ?

L’insuffisance professionnelle et l’incompétence sont deux notions distinctes et parfois confondues. L’insuffisance professionnelle se définit comme “l’incapacité objective et durable d’un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification ». Elle se caractérise par une mauvaise qualité du travail – due soit à une incompétence professionnelle, soit à une inadaptation à l’emploi – et ne revêt donc pas un caractère disciplinaire.

Le RH doit donc être en capacité de distinguer deux notions relatives à l’insuffisance professionnelle, qui n’auront pas les mêmes conséquences juridiques, à savoir :

  • L’insuffisance liée aux compétences du collaborateur dans l’exercice de ses fonctions

L’insuffisance professionnelle se définit alors comme l’incompétence d’un collaborateur dans l’exécution même de son contrat de travail, son manque d’efficacité, son manque de compétence, c’est-à-dire son inaptitude a exécuter de façon satisfaisante le travail lié à sa qualification professionnelle.

  • L’insuffisance liée à l’incapacité du collaborateur à atteindre les objectifs assignés.

Sous réserve de répondre à certaines conditions, l’insuffisance de résultat, lorsqu’elle est imputable au salarié, pourra également constituer un motif de licenciement. 

A contrario,  par exemple, la non atteinte des objectifs ne pourra constituer un motif de licenciement s’il est prouvé que soit, les objectifs assignés n’étaient pas atteignables, soit que l’employeur n’a pas donné au salarié les moyens pour les atteindre.

Y a-t-il une passerelle juridique entre les 2 concepts ?

L’incompétence est un préalable à l’insuffisance professionnelle, mais ne constitue pas, en tant que telle, un motif suffisant pour reconnaitre une insuffisance professionnelle. Il ne faut pas oublier que dans l’exécution de son contrat de travail, le Code du travail impose aux employeurs d’assurer l’adaptation des collaborateurs aux missions attendues, au besoin, en adaptant les compétences aux évolutions du poste (Code du travail – L 6321-1). Les formations proposées, qui relèvent des obligations imposées aux employeurs, doivent donc participer au développement des compétences des collaborateurs.

Comment aborder les cas d’insuffisance professionnelle en tant que RH ?

La validité de la rupture du contrat de travail pour insuffisance professionnelle nécessite donc au préalable que l’employeur donne au collaborateur le temps nécessaire et les moyens pour lui permettre de développer et d’adapter ses compétences aux attentes du poste.

En cas de litige en contestation d’un licenciement pour insuffisance professionnelle, le conseil des prud’hommes sera vigilant aux circonstances du licenciement, à savoir, l’ancienneté du collaborateur, sa progression dans l’entreprise, et les mesures d’accompagnement mises en place.

Les conditions de travail, les éventuelles réorganisations, les changements de logiciel peuvent parfois constituer des circonstances atténuantes de l’insuffisance professionnelle d’un collaborateur.

Autrement dit, il y a parfois une « co-responsabilité » des parties dans l’insuffisance professionnelle.

L’absence de formation, des réorganisations, des mobilités non accompagnées, des outils informatiques inadaptés, le manque d’accompagnement managérial, des objectifs non atteignables, peuvent constituer des éléments exonérant la responsabilité du salarié lors d’une insuffisance professionnelle avérée.

Au regard des obligations relatives à l’exécution loyale du contrat de travail, les RH doivent veiller à ce que le collaborateur dispose, tout au long de l’exécution de son contrat de travail, du temps et des moyens nécessaires pour lui permettre de mettre ses compétences au service de l’exécution de son contrat de travail.

Aller plus loin [encadré]

Insuffisance professionnelle : des illustrations jurisprudentielles

Sauf abstention volontaire ou mauvaise volonté délibérée du salarié (Cass. soc. 6-1-2011 n° 09-67.334), l’insuffisance professionnelle n’a pas un caractère fautif (Cass. soc. 25-1-2006 n° 04-40.310 :  RJS 5/04 n° 545).

L’insuffisance professionnelle n’est pas établie par des griefs vagues tels que « l’absence chronique d’ardeur au travail » du salarié (Cass. soc. 17-2-1988 n° 85-42.173) ou son « manque d’imagination et de dynamisme » (Cass. soc. 2-6-1988 n° 85-44.486) ;

À défaut d’avoir rempli ses obligations d’adaptation, l’employeur ne pourra invoquer l’insuffisance professionnelle d’un collaborateur (Cass. soc.16-9-2009 n° 08-42.554).

Le licenciement pour insuffisance professionnelle est en revanche justifié lorsque le salarié refuse de se former aux nouvelles méthodes de travail (Cass. soc. 8-3-1984 n° 81-40.805 ; 22-10-1991 n° 90-43.412) ou lorsqu’il ne peut s’adapter au nouveau poste auquel l’employeur a vainement tenté de le former (Cass. soc. 16-2-1977 n° 76-40.020).

Le fait que le salarié ait été embauché après une période d’essai ne saurait priver l’employeur du droit d’invoquer par la suite son insuffisance professionnelle (Cass. soc. 26-10-2011 n° 10-13.963 : RJS 1/12 n° 16), à moins que celle-ci ne repose sur une inaptitude connue lors de la confirmation de l’embauche, faite en connaissance de cause (Cass. soc. 18-4-1985 n° 82-43.829).

Repères RH

Check-list en cas d’insuffisance professionnelle 

Check-list en cas d’insuffisance professionnelle 

  • Établir la preuve de l’imputabilité de l’insuffisance professionnelle au salarié 

À l’aide du contrat de travail, de ses avenants et de la fiche de poste, déterminez les attentes légitimes de l’entreprise au regard de la qualification du salarié. Tentez de caractériser l’insuffisance au regard des compétences attendues et/ou des objectifs fixés, tant au niveau quantitatif que qualitatif. Identifiez ensuite les répercussions que ces insuffisances ont sur la bonne marche de l’entreprise (relation client, charge de travail pour les collègues, baisse du chiffre d’affaires…)

  • Accompagner le salarié en cas d’insuffisance professionnelle avérée .

Au travers des formations réalisées ou des moyens accordés au collaborateur, vérifiez que ce dernier a bien eu à sa disposition les moyens et le temps nécessaire pour réaliser ses missions. Via l’entretien de fin d’année, si besoin d’un commun accord, déterminez précisément les attentes du poste, et octroyez aux collaborateurs les moyens de mettre leurs compétences au service de leurs missions (par exemple : suivi managerial, formation, coaching, recrutement, outils…)

  • Procéder au licenciement du salarié (sous certaines conditions

Après avoir précisé au collaborateur les attendus du poste, lui avoir donné le temps et les moyens nécessaires pour développer ses compétences, l’insuffisance professionnelle peut constituer un motif de licenciement si elle revêt une certaine gravité pour l’entreprise, c’est à dire que l’employeur est en mesure de prouver qu’il a subi un certain préjudice.

À l’aide du contrat de travail, de ses avenants et de la fiche de poste, déterminez les attentes légitimes de l’entreprise au regard de la qualification du salarié. Tentez de caractériser l’insuffisance au regard des compétences attendues et/ou des objectifs fixés, tant au niveau quantitatif que qualitatif. Identifiez ensuite les répercussions que ces insuffisances ont sur la bonne marche de l’entreprise (relation client, charge de travail pour les collègues, baisse du chiffre d’affaires…)